"Suite à l'article paru dans le Monde des Livres du 15 juin 2012 à propos de la publication du livre "Ma guerre d'Espagne. Brigades Internationales : la fin d'un mythe" de Sygmunt Stein, aux Editions du Seuil, l'ACER a souhaité réagir par une lettre adressée au Directeur du Monde.

Nous reproduisons ci-après les 2 textes."

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                                     Paris, le 16 juin 2012                            

 LES AMIS DES COMBATTANTS EN ESPAGNE REPUBLICAINE                                                  

                                                                                                         Monsieur Erik IZRALEWICZ

                                                                                                         Directeur du journal « Le Monde »

                                                                                                         80, Boulevard Auguste Blanqui

                                                                                                         75707 – PARIS Cedex 13

 

Monsieur le Directeur,

L’ACER est à notre connaissance la seule association en France qui a pour objet spécifique de rappeler  la mémoire des combattants volontaires français  en Espagne républicaine et l’article paru dans  « Le Monde des Livres » du 15 juin 2012 sous la signature de Nicolas Weill nous a heurtés profondément. Nous nous  intéressons à toutes les publications sur cette période,  à tous les témoignages de l’époque, avec un sens critique qui doit s’appliquer à tous.

Mais  là, pas de critique argumentée du livre de Sygmunt Stein de la part du rédacteur de l’article, plutôt l’étalage d’une  réjouissance non dissimulée de participer à une entreprise de démolition. 

Aucune distance avec des affirmations de S. Stein mises à mal depuis longtemps par des travaux  d’historiens reconnus, français et étrangers, et par d’autres témoignages de volontaires combattants. Notamment, tout concorde pour affirmer que les Brigades Internationales n’ont pas pris part aux sordides manipulations du NKVD, ni à l’écrasement du POUM.  Si l’équipement militaire a fait parfois cruellement défaut,  ce n’est pas à cause du matériel  soviétique (là aussi les témoignages font foi) mais de la politique de non-intervention, certes relâchée,  mais qui a entrainé un déséquilibre militaire dont la République ne se remettra pas.

Cela n’intéresse pas Nicolas Weill, ce qu’il faut c’est détruire le mythe, à n’importe quel prix ; par exemple,  la réécriture en 1956 des souvenirs ne lui inspire aucune remarque sur le contexte international de l’époque, et les possibles motivations de l’auteur. Il ne lui vient pas à l’esprit  que « l’amertume » de Stein est peut-être  due a posteriori  à ses remords d’avoir accepté les basses besognes du NKVD ? 

A l’ACER, qui regroupe des sensibilités républicaines très diverses, notre but n’est pas de participer au mythe, mais de faire découvrir la réalité complexe de ce moment d’histoire, et surtout l’engagement  d’hommes et de femmes qui avaient compris  ce qui se jouait en Espagne en 1936, la paix en Europe et le risque de la guerre mondiale.  Et qui méritent au moins d’être respectés.

Après l’article de Stéphane Courtois dans vos colonnes au moment de la disparition de Lise London qui a dû faire l’objet d’un correctif  de sa famille, on peut s’interroger sur  une certaine façon manichéenne de traiter cette période complexe de l’histoire dans vos colonnes ; en résonnance  troublante avec le nouveau crédo de la droite assimilant  l’extrême-droite et l’extrême- gauche pour mieux dissimuler son glissement idéologique dangereux pour la démocratie ?

N’en déplaise à certains, l’intérêt pour les Brigades Internationales ne faiblit pas ; sans dissimuler les zones d’ombre du stalinisme, les dissensions du camp républicain, les rivalités propres à toute société humaine dans des périodes tragiques, nous continuerons de mettre en valeur le courage de ces volontaires, leur désintéressement, leur solidarité avec la République espagnole. Beaucoup à l’époque se considérait « stalinien » au sens de leur engagement pour un avenir meilleur. Ils ont pu se tromper, mais rappelons ce sont souvent ces mêmes volontaires que l’on célèbre encore aujourd’hui pour leur engagement dans la résistance française.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de nos sentiments distingués.

 

                                                                                                                             Claire ROL-TANGUY

                                                                                                                             Secrétaire Générale