En remontant l'Histoire, histoire d'en pleurer ...

 
 

(Billet d’Humeur)

 Retour d’Espagne. Tu penses mer bleue, paëlla et castagnettes. Coup de soleil aussi … pas aux larmes.

Par la trouée dans les roseaux tu entends le souffle des nageurs armés de grenades et de poignards, qui tentent d’ancrer un câble sur la berge ennemie. Juillet 38. Il fait nuit et les quelques 700 qui ont réussis à passer aussitôt foudroyés, sont là, dans l’herbe abreuvée de chaud, les autres 200 ont coulé ou les cadavres plombés par le munitions les font ressembler à des bouchons de fil à pêche, qui défilent dans le courant, morts …


 

Rien n’a changé, la même ferme, ses noisettes, la planchette, son marteau pour les briser, ses cartouches de fusils de 5 origines différentes dans un semblant de vitrine, ramassées pour montrer au rare passant.

Une plaque commémorative est prévue.

Tu frémis, le mouvement perçu dans le noir, dans le pré, n’est que celui d’un chat.

Un de ces héros, Vincent Almudever s’essuie la boue des chaussures en me confiant : �� la dernière fois que j’étais ici, j’avais les pieds au sec dans mon petit bateau ». Deux rameurs, huit hommes pour traverser le fleuve. Dans son avancée, il trouve un cantonnement ennemi, abandonné ou le café est encore chaud. Fumant. Il fait des prisonniers. Plus haut sur le fleuve, dix brigadistes sont arrêtés et fusillés par les Maures au petit matin.

Un cadavre a été découvert, il y a quelques temps plus loin dans un champ, en labourant. Un blessé abandonné mort plus loin. Ses coordonnées étaient griffonnées sur un papier mis dans une bouteille. Sa famille venue de France l’avait enfin retrouvé. Il a une plaque sur place. D’autres n’ont pas eu cette « chance ».

Nous sommes une forte délégation de l’ACER, une cinquantaine. Plus que les Allemands, les Anglais, les Américains qui eux, organisent en plus « leur » exposition à Sitgès. On a « notre » Italien de la « Garibaldi » drapeau au vent du souvenir.

Au cimetière de Montjuic, nous retrouvons un Brigadiste Cubain sur les 4 ou 5 survivants (photo).

Le midi, d’autorité je suis le premier au bar afin de commander «  l’anis seco con agua fresca » pour mon vieux pote Roger (83 ans) et moi. On se débrouille toujours pour récupérer du vin en rab’. Je fais une cure de moules géantes, de beignets de calamars, de langoustines et de poulpe en sauce.

Nous n’avons pas retrouvé la tombe de Durutti. Mon ami Roberto en était certain mais le site est immense et l’endroit discret sinon « boudé ».

Nos « collègues » Allemands restent de redoutables buveurs et des chanteurs sans concurrence. A part leur car, ils ont des motards en Harley, avec leur nom « ventre vide » (traduction) sur le blouson. Des immenses baraqués, faisant aussi le service d’ordre. Antifascistes. C’est rassurant. Des tee shirts sur leurs ventres dilatés montrent le dessin d’ une pichnette fracassant une croix gammée.

Le cimetière du Vernet d’Ariège est indigne (photo). Je vais écrire. Les Brigadistes prisonniers de ce camp de concentration ont l’air encore bafoués plus de 60 ans après leur épopée puis leur calvaire. C’est insupportable. Il y a 4 ou 5 jours le monument était même vandalisé. J’y ai rencontré mon vieux complice/copain du temps de la SOPAD, Michel Darracq. Il m’a fait cadeau d’une saucisse de foie.

Je garde intacte la mienne et la mission d’en conserver le souvenirs de ces hommes « héros ordinaires » et … de mon Père.