© Éditions Delcourt | La couverture de la bande dessinée "La Nueve" de Paco Roca

Texte par Yann BUXEDA Stéphanie TROUILLARD

 

Au soir du 24 août 1944, les républicains espagnols, membres de la 2e DB, sont les premiers à pénétrer dans Paris. Dans un roman graphique, le dessinateur Paco Roca rend hommage à l'histoire méconnue de ces soldats de la France libre.

 

Le 25 août 1944, dans un discours passé à la postérité, le Général de Gaulle s’adresse aux Parisiens depuis l’Hôtel-de-Ville : "Paris, Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France". Avec fierté, l’homme de l’Appel du 18 juin salue l’action de la résistance et des soldats français. Pourtant, ces militaires bleu-blanc-rouge ne sont pas les premiers à pénétrer dans la capitale encore occupée.

La veille, ce sont des membres d’une unité espagnole de la 2e Division blindée du général Leclerc qui ont atteint avant tout le monde le centre de Paris. Vers 21h30, la 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, composée de républicains espagnols et appelée la Nueve, est arrivée en éclaireuse à l’Hôtel-de-Ville. Pour le dessinateur Paco Roca, qui a consacré un roman graphique à l’histoire de ces soldats, cette omission du chef de la France Libre n’est pas si étonnante. "Comment De Gaulle aurait-il pu dire que les premiers à entrer dans Paris avaient été des communistes espagnols ? C’était tout simplement impensable. Ils finirent donc dans les oubliettes de l’histoire française", explique-t-il à France 24.

"Des combattants aguerris"

Dans sa bande dessinée intitulée "La Nueve", l’auteur retrace l’incroyable odyssée de ces hommes, des rives du port d’Alicante, dans le sud-est de l’Espagne, jusqu’aux routes de la Libération. Beaucoup d’entre eux étaient des anarchistes qui avaient quitté leur pays lors de la Guerre civile. "Le sort des exilés espagnols m’a toujours intéressé. Près d’un demi-million de personnes ont traversé la frontière en direction de la France et environ 50 000 ont fui vers le nord de l’Afrique", raconte le dessinateur originaire de Valence. "J’ai découvert l’histoire de la Nueve par hasard, lorsque je me suis retrouvé à Paris en compagnie de deux anciens combattants de cette compagnie. Je me suis rendu compte qu’à travers la Nueve, je pouvais raconter l’un de ces chemins de l’exil, l’un de ceux qui se concluait par une fin glorieuse".

Mais avant de connaître la joie de la victoire, ces républicains espagnols subissent surtout la souffrance de l’exil. Avec la défaite française en juin 1940, le piège se referme sur ces étrangers. Certains sont internés en France par le régime de Vichy, tandis que d’autres sont enrôlés de force dans des camps de travail en Afrique du Nord. Lors du débarquement anglo-américain en 1942, ces derniers ont enfin la possibilité de reprendre le combat en intégrant les Forces françaises libres. Ils choisissent sans hésiter de suivre l’armée de De Gaulle. " Il est probable qu’en d’autres circonstances, un conservateur militaire de carrière et des ‘rouges’ eurent été idéologiquement aux antipodes. Mais au beau milieu de cette guerre mondiale, De Gaulle était un exemple de bravoure pour les républicains espagnols. Il incarnait en quelque sorte leur propre lutte contre le fascisme", souligne Paco Roca.