Les obsèques de Théo se sont déroulées mardi 10 juillet à Biarritz en présence de sa famille et d'un grand nombre de ses amis.
Ci après les discours prononcés au cours de la cérémonie.
Hommage de l'ACER à Théo
Jean-Paul CHANTEREAU
C’est un combattant antifasciste de la première heure qui vient de nous quitter.
Un ancien volontaire qui a combattu tout d’abord dans les premières unités de la 11ème Brigade internationale sur le Front de Madrid en octobre 1936 puis dans celles de la 14ème Brigade « La Marseillaise « qui s’est illustrée dans les combats les plus exposés, les plus rudes pendant la guerre d’Espagne dans la Résistance de la République espagnole et de son peuple, au coup d’Etat du général Franco et de la droite espagnole, soutenu dans cette entreprise par Hitler et Mussolini.
Face à l’inaction, à l’impuissance des Démocraties européennes et de la SDN, les démocrates du monde entier et les opinions publiques exprimeront avec force, devant tant d’aveuglement, leur indignation, leur colère et leur consternation. Cette opinion publique mondiale, présentait que quelque chose de grave se tramait, se préparait, au-delà de l’Espagne, contre la paix en Europe et la paix du monde si rien n’était fait en Espagne, pour empêcher et « tuer dans l’œuf » l’audace et les agissements du fascisme espagnol et de ses alliés européens. Derrière les objectifs de restauration de l’ordre social de la vieille Espagne, des privilèges de l’Eglise et de l’aristocratie, des privilèges de l’aristocratie et des grands propriétaires fonciers, la remise en cause des résultats des élections de février 1936 (l’espoir même d’une société avec plus de justice sociale), c’est aussi de bien autre chose dont il s’agit...
Avec le putsch du général Franco et ses ramifications, c’est en fait la seconde guerre mondiale qui venait de débuter à Madrid.
Dans un langage qui n’appartient qu’à lui le général de Gaulle, évoquant cette situation au sud des Pyrénées devait affirmer « Les Rois de France ne s’y seraient pas trompés »…
Faire tomber l’Espagne dans le camp fasciste européen constituait un impératif pour les nazis et les fascistes italiens pour isoler, et encercler la France afin de mieux l’asservir.
C’est malheureusement ce qui devait se passer …
« La politique de non-intervention » sera la posture de la France et de l’Angleterre puis, la figure imposée du comité de Londres et de la SDN, une politique de dupe, qui aboutira » dans les faits à désavantager l’Espagne républicaine.
C’est dans ces conditions que Théo, à l’instar de milliers d’autres volontaires (on dira plus tard qui s’étaient « levés avant le jour »), venus du monde entier, 53 pays, s’engagera dans les BI pour venir aider la République espagnole et son peuple dans un sursaut de résistance ; l’incarnation de cette résistance était symbolisée par ce mot d’ordre ; « le fascisme ne passera pas »
35 000 volontaires, dont près de 10 000 français, s’engageront dans les BI.
Théo sera parmi les premiers volontaires internationaux dépêchés à Madrid pour participer, avec les madrilènes à la défense de la ville ; à la cité Universitaire, à casa del Campo…
Théo sera de tous les combats et de toutes les batailles pendant la Guerre d’Espagne ; après la défaite de Franco pour s’emparer de Madrid en octobre novembre 1936 Théo sera engagé avec ses camarades de la 14ème brigade sur les Fronts du Jarama, de Belchite, de Teruel en 1937 et 1938 ; il sera également de ceux qui participeront à la contre offensive de l’armée républicaine en juillet 1938 (Le passage de l’Ebre ) pour renverser une situation de plus en plus préoccupante pour la République espagnole.
En octobre 1938, suite à la décision du Gouvernement de la République de démobiliser les B.I, Théo ne se résoudra pas à cette décision. Il réintégrera l’armée espagnole afin de poursuivre le combat jusqu’au bout.
Ses qualités personnelles de courage, d’intelligence politique et militaire, son humanité et sa gentillesse feront de lui une figure, emblématique du combattant international, antifasciste.
Après la défaite militaire et politique de la République espagnole dans les conditions que l’on sait, (1)
Théo connaitra les conditions terribles de l’internement à Miranda de l’Ebro, d’où il s’évadera pour s’engager ensuite dans les Forces Françaises Libres afin de continuer le combat contre le principal allié et complice de Franco hier dans leur guerre au peuple et à la République espagnole ; l’Allemagne Hitlérienne et ses armées d’occupation sur d’autres théâtres d’opérations en passant par la Norvège, la France, la Grèce, la Libye, l’Italie, la Hollande….
Christine DIGER dans un livre qu’elle lui a consacré « Un automne pour Madrid », nous donne à revisiter par le récit qu’elle en fait l’Histoire hors du commun de Théo, une histoire extraordinaire et singulière que son livre « tire de l’oubli » pour reprendre une expression de Jean Ortiz , une histoire qui nous émeut et nous fascine une histoire qui met en lumière l’épopée des Brigades internationales .
Après la guerre, la capitulation de l’Allemagne nazie en 1945, le retour de la démocratie en Europe et de Théo à la vie civile, celui-ci ne se fera pas sans difficulté pour trouver un emploi…
C’est alors qu’on lui proposera d’aller combattre en Indochine… Après tant de combats et d’épreuves pour servir ses idéaux Théo ne se reniera pas, il restera fidèle aux valeurs et aux idées qui ont toujours été les siennes et refusera d’aller combattre en Indochine dans le cadre d’un engagement militaire d’une autre nature, qui aurait fait injure à ce pourquoi il a toujours combattu.
Comme il aimait souvent à le dire, il se définissait comme un combattant au service de ses idées de libération humaine, de Fraternité et de solidarité et non comme « un guerrier ».
Théo demeurera sa vie durant un combattant et un citoyen antifasciste au service de la Liberté, de la Démocratie, du progrès social, des luttes d’émancipation humaine sans lesquelles il ne saurait y avoir d’espoir pour un monde meilleur. Pour que vive la Liberté, il faudra toujours que des hommes se lèvent et secouent l’indifférence et la résignation. Théo était de cette trempe.
Faire connaitre l’histoire de Théo, outre le fait que ce n’est que lui rendre justice, c’est aussi éclairer et mettre en lumière l’extraordinaire épopée, à travers lui, de ses compagnons et camarades des Brigades internationales .Une histoire d’hommes inédite dans son ampleur.
Les valeurs pour lesquelles Théo s’est engagé et a combattu ne relèvent pas du passé. Ne nous y trompons pas, ces valeurs sont aujourd’hui encore, d’une très grande actualité avec l’aggravation de la crise du capitalisme mondial et la résurgence des idéologies d’exclusion et d’extrême droite en Europe. Théo d’ailleurs ne s’y trompait pas. Jusqu’à ces deux dernières années il est resté un citoyen un militant vigilant et agissant pour apporter son appui et sa caution dans les actions de solidarité et de défense des droits humains et dénoncer la résurgence « de la montée des périls ». Il était communiste et c'était pour servir cet idéal qu'il a toujours combattu.
La vie de Théo est une vie exemplaire pour les générations nouvelles.
Nous garderons de lui aussi le souvenir vivace d’un homme chaleureux et toujours plein d’allant et de vitalité et avec lequel nous avons partagé ensemble au cours des dernières années de sa vie , dans le cadre de nos activités au service » de la mémoire « , avec les amis et camarades de l’ACER , des rencontres ou la joie de nous retrouver, l’amitié et la Fraternité n’étaient pas en reste…
Théo, nous saluons ta mémoire et souhaitons t’assurer de notre volonté et de notre engagement à poursuivre l’action qui est la notre contre l’oubli et l’œuvre du temps.
Le meilleur hommage que nous puissions te rendre c’est encore et toujours de dire qui tu étais, qui vous étiez dans les Brigades.
Nous ne t’oublierons pas Théo. Ta vie et ton histoire appartiennent à la génération des antifascistes de la guerre d’Espagne, à l’épopée des Brigades et à la poursuite de votre engagement jusqu’à la capitulation de l’Allemagne nazie en 1945. Elles continueront d’éclairer notre action pour le présent et pour l’avenir.
Discours de Jean-Jacques LE MASSON, représentant du Parti Communiste Français
Mesdames, Messieurs, chers amis, mes camarades
Je suis venu rendre hommage à Théo de la part de ses camarades communistes.
La fédération des Pyrénées-Atlantiques du parti communiste français s’honore de l’avoir compté parmi ses membres depuis longtemps : il adhère aux Jeunesses en 1930.
Je représente également la direction nationale du parti. Son porte parole, secrétaire départemental, a dû rester à Paris parce qu’il participe à une réunion importante et il m’a demandé de saluer la famille de sa part.
Le parti communiste tout entier est fier de compter Théo parmi les siens et nous sommes tous fraternellement orphelins.
En 1937, diplomate à Madrid, Pablo Neruda écrit :
Lorsque, dans les ténébreuses casernes,
Dans les sacristies de la trahison,
S’enfonça ton épée ardente, il n’y eut qu’un long silence d’aube,
Il n’y eut que le pas haletant des drapeaux
Et qu’une honorable goutte de sang sur ton sourire.
L’année d’avant, en octobre 36, Théo, jeune communiste internationaliste bayonnais part rejoindre les brigades internationales, la « Commune de Paris », dans cette
Espagne parcourue
De métal et de sang
Triomphants et bleus,
prolétariat de pétales et de balles.
Les amis et les camarades qui m’ont précédé ont déjà évoqué la vie remarquable de Théo. Je ne m’étends donc pas davantage sur ce parcours extraordinaire, partagé par des dizaines de milliers d’internationalistes venus de dizaines de nations de tous les continents pour combattre ces
Chacals que le chacal repousserait
Pierres que le dur chardon mordrait en crachant
Vipères que les vipères détesteraient
et pour défendre le peuple, la République et le socialisme.
*
J’ai rencontré Théo plusieurs fois et j’ai été frappé par sa simplicité et son caractère d’enfant toujours curieux du monde qui l’entoure. Je l’appellerais du nom qui avait été utilisé ailleurs en un autre temps : un homme véritable.
Membre important de l’ANACR de Tarnos et Seignosse, il a rendu de nombreuses visites dans des établissements scolaires où les élèves buvaient ses paroles, tant son récit était vivant et parce que c’était l’histoire vivante du peuple en lutte qui s’adressait à eux en des mots simples.
Dans les années 70, pendant plus de dix ans, Théo a travaillé à Bayonne pour le parti, dans ce siège que j’ai moi-même fréquenté après lui, à quelques pas de la mairie. Discret et efficace, comme toujours, il faisait son travail de militant là où la vie et les événements le trouvaient.
*
La lutte ne s’arrête pas. C’est un signe particulier que Théo nous quitte en cet été 2012, lui qui s’est battu toute sa vie pour la liberté du prolétariat espagnol et international, alors que là-bas, à Oviedo, dans les Asturies irrémédiablement révolutionnaires, des milliers de mineurs se battent en ce moment comme des lions, depuis deux mois dans une grève totale, rassemblant la population, avec leur organisation et leurs armes qu’ils fabriquent eux-mêmes comme jadis à Mieres, faisant face à un Etat décidé à liquider, au nom du capital et des décisions de la Troïka européenne, une industrie qui fait vivre des dizaines de milliers d’ouvriers et leurs familles.
Prolétariat d’Oviedo qui avait organisé la grève générale de 1917, réprimée dans le sang par une armée dont un des officiers était un certain Francisco Franco y Bahamonde. Prolétariat d’Oviedo qui organise la révolution des Asturies en 1934, dans la répression de laquelle on retrouve le même chacal galonné dont parlait Neruda. 2000 morts et plus de 3000 blessés.
En février 1936, Dolorès Ibarruri, elle-même femme de mineur, est élue député des Asturies et elle réussit à obtenir des autorités locales d’Oviedo la libération des prisonniers politiques. La lutte n’est jamais vaine et les rapports de forces peuvent s’inverser en faveur des opprimés.
C’est peu après cette époque, après le déclenchement du coup d’Etat fasciste, que Théo rencontra Dolorès et fut chargé à un moment de sa protection.
*
J’ai rappelé cette collision de l’Histoire pour dire que jamais la lutte ne s’arrête, que nos adversaires sont toujours les mêmes et que la lutte pour un monde juste, fraternel et égal est longue.
Jeunes gens, lisez le parcours de cette vie et vous comprendrez mieux pourquoi il vaut la peine de vivre.
Je laisse la conclusion de mon propos à Aragon :
Bien sûr, bien sûr, vous me direz que c'est toujours comme cela. Mais justement,
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants, leurs mains de chair dans l'engrenage
Pour que cela change
Songez qu'on n'arrête jamais de se battre et qu'avoir vaincu n'est trois fois rien
Le drame, il faut savoir y tenir sa partie. Et même qu'une voix se taise
Sachez le, toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue.
Théo, mon camarade, je te salue.
Deux !
Deux c’est le chiffre qui a rythmé la vie de mon grand-père.
Deux comme les deux pays qui ont compté dans sa vie : l’Espagne et la France
Deux c’est également le chiffre d’un couple, même si avec sa femme Joséphine ils ne faisaient qu’un.
Deux comme leurs deux enfants qui naîtront par la suite : Marie-France et Robert
Deux c’est le nombre de fois que je lui dois la vie : une fois car c’est mon grand-père et une seconde fois car il m’a sauvé de la noyade.
Deux car nous avons un grand-père qui est aussi un héros et pas que pour moi.
Deux c’est le nombre de vie qu’il a eu : une avant la guerre et une après.
Deux car il est là encore aujourd’hui dans nos souvenirs mais aussi dans nos cœurs
Sabine Comets